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Books & Movies

23 février 2015

Les chemins de la liberté: fuir le bout du monde?

Les chemins de la liberté - Peter Weir 2010

 

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Fin de la seconde guerre mondiale: Staline dirige d'une main de fer l'Union Soviétique et les arrestations sont monnaie courante. Dans ce climat de terreur, nombreux sont les prisonniers a être exilés en Sibérie, dans l'enfer blanc, le goulag.

Janusz, est l'un deux. Son crime? Être polonais, donc suspect. Son procès? Des aveux signés sous la contrainte par sa jeune épouse terrorisée. Sa peine? 20 ans dans les glaces.

Alors qu'il se lie progressivement avec un groupe de prisonniers une idée s'impose: s'évader. Projet fou, l'alternative est mince: fuir ou rester c'est mourir. Mais comment mourir? En prisonnier humilié et torturé ou en Homme libre face à une nature hostile mais splendide?

Ils ont fait un choix...

 

Peter Weir traite un sujet souvent accaparé par le cinéma. Les camps de prisonniers, les conditions de vie inhumaines, la naissance de camaraderies et d'amitiés dans un univers hostile. La vie quotidienne du goulag? Finalement peu abordée dans le film. Afin de se démarquer des classiques du genre, Weir met l'accent sur l'évasion en adaptant librement le récit d'un rescapé des geôles staliniennes. A première vue, on pourrait penser que le plus difficile est de planifier la fuite, tromper la vigilance des gardes puis quitter le camp. La réalité est autre. Nos protagonistes s'evadent assez facilement. Les gardes les poursuivent mollement; ils n'ont crainte, le froid ou les populations locales auront leur peau.

C'est à ce moment que commence le véritable récit de survie, fil rouge du film. Le groupe, composé d'individus hétérogènes doit s'unir pour survivre. La faim est omniprésente et les conditions climatiques sont rudes. Au milieu de ces dangers ils poursuivent un but; atteindre le lac Baïkal, la Mongolie, puis la liberté. Les paysages hostiles mais sublimes se succèdent, présentant ainsi le paradoxe de la nature: belle et cruelle.

Dans cette épreuve, les personnages luttent pour conserver leur humanité, pour ne pas se muer en bêtes. La scène frappante où l'un des protagonistes évoque le cannibalisme comme moyen de survie illustre parfaitement cette thématique.

Enfin vient le lac; symbole de changement et de liberté. Le paysage s'est adouci tout comme les températures. Vient le temps de l'insouciance, des rires et des espoirs. Espérances vite brisées: la plus belle scène du film, et l'une des meilleures du cinéma de ces dernières années prend place lorsque le groupe atteint la frontière mongole et font face à un écriteau: faucille, marteau et portrait de Staline. "Ils sont communistes". Cette phrase résonne comme la mise à mort de la liberté et de la foi en l'avenir. Ils peuvent bien fuir, la Sibérie les rattrape toujours.

Le film aurait dû s'arrêter là après avoir touché le paroxysme du tragique et de la fatalité. Malheureusement, Hollywood a ses lois, et le réalisateur nous offre (ou nous inflige) une dernière partie, beaucoup plus fade qui conduit le groupe jusqu'en Inde où la traditionnelle Happy End peut avoir lieu.

Le film est bon, réussi, quinze minutes de moins et il aurait été sublime.

 

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19 février 2015

Whiplash: le jazz au corps

Whiplash - Damien Chazelle 2014

 

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Dans l'univers studieux mais bruyant d'un conservatoire de New York, Andrew, petit batteur étudiant en première année aspire à égaler les grands noms du jazz en intégrant le groupe du maître des lieux, le professeur Fletcher. Travail acharné et rage lui offrent enfin cette possibilité. Mais obtenir les faveurs du Grand Fletcher est peut-être un cadeau empoisonné.....

Andrew va peu à peu glisser sous la coupe de ce tyran de la rythmique, subir brimades et humiliations pour tenter de toucher du doigt un rêve presque impossible.... devenir le nouveau Charlie Parker.

Ce film est au jazz ce que Black swan (Darren Aronofsky, 2010) est à la danse. Il décrit les rapports malsains entre un élève prometteur et un enseignant cruel, insensible et plus qu'exigeant.

Whiplash nous livre une autre vision du jazz. Musique souvent considérée comme élitiste, langoureuse, subtile, parfois brutale mais majoritairement douce, on découvre ici un univers ultra-violent, où la musique n'est plus un art mais une contrainte physique, une torture du corps et de l'esprit où le sang coule bien souvent. Le message est clair; l'excellence n'est pas un don naturel. C'est le fruit d'un travail, d'un massacre du corps, des membres, des doigts pour obtenir la note juste, le rythme parfait. Pour jouer comme un dieu, l'humain doit devenir une machine et perdre un peu son âme.

Mais de l'horreur naît la beauté. Sous les yeux (et dans les oreilles) du spectateur mélomane, le morceau prend forme. La batterie cogne comme un coeur palpitant et la partition magistralement interprétée nous fait sentir vivant. De la souffrance, morale et physique, du protagoniste apparaît l'excellence.

Il est aisé de se sentir troublé. Révolté contre la tyrannie du milieu de la musique mais séduit par les résultats obtenus après tant de douleurs. Andrew, martyr de la musique, nous fascine. On ne souhaiterait pour rien au monde être lui mais sa réussite nous offre une mélodie presque céleste.

 

 

19 février 2015

Wild: sueur et sang pour la rédemption

Wild - Jean Marc Vallée 2015

 

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Cheryl est ce que les bien-pensants nomment une fille à problèmes. Dévastée par la mort brutale de sa mère la jeune femme sombre dans l'alcool, la drogue, détruit son mariage en s'offrant au premier venu. Comment sortir de cette spirale infernale? la thérapie de Cheryl ne se fera pas grâce à un centre de rehab, à une armée de psychologues et à une bonne dose de médicaments mais au moyen d'une marche....une très longue marche.

 

Affronter la nature pour mieux combattre ses démons, tel est le résumé de ce film. Certes, le thème n'est pas nouveau. Les retours aux sources, le rejet de la société de consommation, la thérapie par l'effort physique et le dépassement de soi sont des concepts vus et revus au cinéma. De plus, difficile de surpasser le sublime Into the Wild (réalisé par Sean Penn en 2007)

Alors que faire? Passer son chemin? Wild est-il à ranger dans la catégorie "Un de plus"? Pas si sûr...

Difficile de rester insensible au propos. Nous avons tous une Cheryl en nous: Qui n'a pas un jour rêvé de lacer ses chaussures, de jeter quelques affaires dans un sac puis de partir à l'aventure? Mais une fois cette pulsion passée, nous baissons les yeux et retournons à nos vies confortables bien que monotomnes voir déprimantes.

Et c'est pour cela que l'on aime Wild, et que l'on admire Cheryl. ELLE l'a fait. Elle a eu le courage de dire stop, de partir, de marcher pour revenir meilleure. Faire une randonnée semée d'embuches (mais la vie moderne, n'est-elle pas, elle aussi, jonchée d'obstacles toujours plus hauts?) Arpenter les montagnes de la côte ouest, marcher dans les pierres, la fournaise, la tempête ou le froid glacial jusqu'au pont des Dieux, terminus de son périple, allégorie du Paradis avant la résurection.

Nous sommes en Amérique et l'idée d'expiation, de rédemption n'est jamais loin. La souffrance endurée par la marcheuse (chaussures trop grandes, manque d'eau) sont une peine nécessaire pour ses fautes. Le schéma remonte à la nuit des temps mais il marque toujours les consciences.

Le message est là mais le visuel n'est pas en reste. Avec un tel sujet il est aisé d'offrir aux yeux du public un paysage magnifique, une photographie à la lumière léchée et quelques plans quasi mystiques. Un peu facile, sans prise de risques mais bien fait. Le thème musical langoureux, constitué de diverses versions du titre de Simon & Garfunkel El Condor Pasa offre une certaine puissance à l'ensemble tout en flirtant avec un côté envoutant, chamanique.

Le film de Jean Marc Vallée est fort en symboles. Trop? Sans doute pas. L'excès est omniprésent: dans la faute, dans la pénitence... Et cela fonctionne sur le spectateur.

Prêts pour la marche?

24 juin 2014

Deux jours, une nuit: Et vous que feriez-vous? Le film des frères Dardenne invite à une reflexion sociale

Deux jours, une nuit - Jean-Pierre et Luc Dardenne 2014

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Sandra, ouvrière dépressive, travaille dans une entreprise de confection de panneaux solaires. Pendant son congé maladie, alors que la firme rencontre des difficultés budgétaires le directeur propose un dilemme surprenant aux employés: pour équilibrer les comptes, ils doivent choisir entre leur prime de fin d'année et la sauvegarde du poste de Sandra. Le premier vote est sans appel, la jeune femme est licenciée. Toutefois, avec du courage et le soutien de ses proches, elle va exiger un nouveau scrutin et tenter de convaincre ses collègues de changer d'avis et de la choisir, elle.

 

Le drame social est l'une des marques de fabrique des frères Dardenne. Leur films racontent les douleurs d'un certain milieu social en proie aux affres de la vie moderne et des temps difficiles. Deux jours, une nuit est dans cette veine. Dans un contexte économique tendu, lorsque les usines ferment et délocalisent les unes après les autres, chacun lutte pour conserver un emploi et obtenir quelques euros supplémentaires. En effet, les factures s'amoncellent, les crédits doivent être remboursés, les projets immobiliers financés...

Pour Sandra et sa famille la tâche est ardue. Comment inciter ses collègues à l'empathie alors qu'ils sont eux-même terrorisés par l'évenutelle perte d'un emploi? Elle dispose des 48 heures d'un week-end chaud d'été pour les convaincre. En situation de détresse morale (la dépression menace de pointer le bout de son nez à chaque instant) et matérielle (elle n'a pas de voiture) elle doit partir en quête de chacun des ouvriers de son usine, les déranger dans leur vie de famille pour leur parler de choses désagréables. Difficilement elle s'attèle à la tâche, va de porte en porte, répète sans cesse le même discours et obtient divers réactions, du soutien à l'hostilité la plus totale.

Avec leur caméra, les frère Dardenne croquent un portait de la société et du monde ouvrier. Différentes situations sont représentées, de l'égoïsme pur et simple aux individus tiraillés entre empathie et contraintes financières insurmontables. Le film n'est jamais manichéen, il est criant de réalisme. Le spectateur reçoit la réalité en pleine face, se trouve confronté à ses propres raisonnements, se fait bousculer dans ses convictions et en arrive forcément à s'interroger: et moi? est-ce que j'aurais renoncé à quelques euros? aurais-je eu le courage de dire non à la pression patronale? Ces questions sont d'autant plus pertinentes en 2014 sur un marché de l'emploi tendu où chacun peine à sauvegarder un salaire décent.

Un film coup de poing, réalisé sobrement sans musique ou presque. Un portrait brut et authentique qui bouscule méchamment.

24 juin 2014

The two faces of January: le thriller grec d'Hossein Animi

The Two faces of January - Hossein Amini 2014

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Rydal, jeune étudiant américain vivotant en Grèce grâce à de petites arnaques aux touristes croise la route d'un mystérieux couple: les McFarland. Ces américains fortunés et mondains à souhait semblent on ne peut plus fréquentables et pourtant...

Un peu malgré lui et surtout parce qu'il est sous le charme de la belle Colette, Rydal va se trouver entraîné dans une spirale infernale avec ce couple en cavale qui cache de lourds secrets.

 

Cela commence par une simple balade dans les ruines grecques, mais bien vite cela tourne au huis clos oppressant entre trois protagonistes. D'un côté il y a le jeune et beau Rydal. Un peu aventurier, il découvre le monde en escroquant quelques dollars. De l'autre, il y a l'élégant couple McFarland. Sous leurs vêtements coûteux et leurs sourires mondains ils cachent un terrible secret. Monsieur escroque sans vergogne les boursicoteurs américains. Les charmants tourtereaux se pensaient à l'abri au bout du monde, il n'en est rien. Ils sont démasqués et Chester McFarland commet une grave erreur...

Thriller très classique où se mêle arnaques, enquête policière (qui aurait mérité d'être mise en scène pour donner plus de corps au film), fuite à travers les îles grecques et sentiments ambigus. Two faces of January n'apporte rien au genre mais ne lui fait pas honte non plus. Avec une durée plutôt courte (moins de deux heures) il évite l'eccueil de l'histoire qui s'enlise et offre un rythme soutenu tout au long de l'intrigue. Les personnages sont plutôt bien campés, le scénario est crédible, bien qu'un peu léger par moments. Il est appréciable de remarquer que le film ne tombe jamais dans le piège du mélodrame larmoyant; bon point surtout pour une première réalisation.

Le périple sous le soleil de Grèce fait voyager, la sueur naît du mélange entre chaleur caniculaire et verres de whisky. Le film jouit de certaines qualités: toutefois, il manque un final, un retournement d'intrigue spectaculaire pour que The Two faces of January rejoigne les grandes réalisations du genre. Dommage.

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24 juin 2014

Jersey Boys: Clint Eastwood s'offre Broadway

Jersey Boys - Clint Eastwood 2014

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Inspiré d'un show musical du même nom, Jersey Boys retrace l'histoire du groupe phare des 60's The four Seasons. Célèbres pour des titres tels que Sherry Baby, Big girls don't cry ou encore Decembre 63. Cette formation musicale menée par Frankie Valli et son ami de toujours Tommy DeVito, fils d'émmigrés italiens et petits trafiquants à leurs heures perdues, vont conquérir l'Amérique grâce à des rythmes entraînants, des compositions vitaminées et une voix reconnaissable entre mille.

 

Avec Jersey Boys, Clint Eastwood-réalisateur nous offre une oeuvre à part dans sa filmographie. Bien qu'il se soit essayé au biopic avec le magistral    J.Edgar, le film musical est une première pour lui. Essai transformé. Voici une plongée d'environ deux heures dans l'Amérique de l'après-guerre, à l'heure où tout est possible y compris l'ascension sociale d'un groupe de fils d'italiens trempant à l'occasion dans diverses arnaques et larcins. C'est l'histoire d'une succès-story avec les débuts sous forme de galère, clubs et salles de concert miteuses, démos rejetées, jusqu'au coup de génie avec LA chanson, le tube qui propulse nos quatre gamins des rues à la première place des ventes de disques. La suite est inexorable. Gloire qui fait tourner la tête, désaccords internes et déclin irrémédiable. Histoire classique, destin banal. Quand le succès s'en va, demeurent des airs qui restent dans le coeur et une voix unique, celle de Franckie Valli, avec un "i" comme tout ce qui est italien.

Le film offre une mise en scène classique, propre, sans bavures. La seule audace? Les personnages s'adressent parfois en aparté à la caméra et par extension au spectateur. Ce procédé très American Show est une réussite et ajoute un peu de piment au milieu du glam vintage et des paillettes. L'ensemble se clos sur un final sous forme de tableau de comédie musicale où tous les personnages sont réunis. Un bel hommage, savoureux et rythmé aux racines du film, né sur les planches de Broadway.

Un plaisir pour les yeux et les oreilles qui donne le sourire et une légère envie de danser: c'était le but et c'est gagné pour Clint Eastwood.

4 mai 2014

24 Jours - Alexandre Arcady

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Voir pour ne jamais oublier

 

Janvier 2006. Ilan Halimi, jeune juif de 23 ans est enlevé. Pendant 24 jours, il sera séquestré et torturé par un groupe d'une vingtaine de personnes. Le gang des barbares. Sa famille recevra des cetaines d'appels réclamant des rançons exorbitantes. La police tentera d'interpeller les coupables, mais l'enquête sera lente et laborieuse. Ilan sera retrouvé mort dans les bois, le corps à moitié calciné. Alexandre Arcady a choisi, grâce au cinéma, de raconter. Il a utilisé de témoignage de la mère, Ruth, et en a fait un film.

 

Voir ce film, c'est appréhender, avoir la boule au ventre, craindre de se confronter à une réalité atroce, de se prendre l'horreur absolue en pleine face. Et pourtant... Pourtant, il faut voir ce film. Voir pour ne pas oublier. Pour ne pas oublier que la haine de l'autre existe même dans notre République. Pour ne pas oublier qu'un homme est mort dans d'atroces souffrances uniquement parce qu'il était juif.

Arcady réalise une oeuvre poignante toute en sobriété. Mise en scène stricte, presque austère, photographie blafarde et bande-son minimaliste; tels sont les ingrédients de 24 Jours. Les faits sont relatés d'une façon précise, quasi chirurgicale. Toutefois, le film ne sombre jamais dans l'horreur gratuite, les scènes de tortures ne sont pas montrées. Signe de respect. La place est laissée à l'évocation de la douleur atroce de la famille, de l'abomination qu'est la perte d'un enfant. Toujours avec une certaine pudeur, le spectateur est invité à assister aux soirées d'attente interminables, aux interrogatoires à répétition dans le commissariat. Et, plus que tout, le spectateur voit. Il voit la souffrance d'une mère, les angoisses d'un père qui endosse la responsabilité de négocier avec les ravisseurs. Il voit la police, impuissante face à un crime incompréhensible. Enfin il voit le dénouement, tragique, inéluctable.

A la sortie de la salle, il est impossible de sourire. Celui qui a vu est assommé. Maintenant il peut essayer de comprendre. Comprendre pourquoi une telle haine peut encore exister au XXIe siècle. Et ensuite, il peut choisir de se battre. Se battre pour que cela n'arrive plus, se battre contre le rejet de l'autre, se battre contre l'antisémitisme. Alexandre Arcady a choisi de se battre. Avec ses armes. Même si c'est un combat loin d'être gagné, il aura agi, il aura montré.

4 mai 2014

Last days of summer - Jason Reitman

 

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L'amour en fuite

Adèle, divorcée et dépressive élève seule son fils Henry. Le jeune garçon tente d'aider sa mère de son mieux; petite attentions, tâches domestiques... Bien qu'il ne soit encore qu'un enfant, Henry a déjà des responsabilités de grand. La vie monotone de ce duo mère-fils bascule quand Franck, un meurtrier en cavale, surgit dans leurs vies et implore leur aide. Un peu malgré eux (au départ tout du moins) ils vont le cacher et tenter d'organiser sa fuite.

 

Certains films, on sait dès les premières secondes que l'on va les aimer. Il suffit d'entendre les premières notes de la musique d'ouverture, de voir le générique apparaître peu à peu sur l'écran, d'aperçevoir enfin les premières images pour savoir que, pendant deux heures environ, le monde extérieur n'existera plus. Il n'y aura que nous, spectateur, en communion avec une réalisation subtile qui nous enchantera encore longtemps après que les lumières se soient rallumées. Pour moi, Last days of summer fait partie de ces films là. Il réunit tous les ingrédients qui font pour moi une grande production. Une action qui se déroule dans l'amérique rurale, au coeur d'une petite bourgade perdue au milieu des bois et des champs. Des personnages chargés d'un lourd passé qui luttent pour continuer encore et toujours à avancer. Un parfum de nostalgie, des décors légèrement surannés, filmés avec tendresse par un réalisateur au regard bienveillant. Une bande originale agréable, pop parfois, mélancolique souvent mais toujours délicieusement rétro. Et enfin, de grands acteurs pétris de talent, qui crèvent l'écran et donnent littéralement vie à leurs personnages.

Dans la chaleur de l'été, on assiste à la rencontre entre deux mondes. Celui morne et modeste d'Adèle et de son fils, et celui violent et instable de Franck. Et, de la rencontre de ces deux mondes naît le sublime. Car Franck et Adèle, abimés par la vie, un peu paumés et surtout tous les deux au bord du gouffre vont parvenir à s'aimer. A s'aimer éperdument le temps d'un long week-end. Bien qu'ils imaginent des cavales périlleuses, des fuites au Canada, des existences cachées dans les bois, ils savent parfaitement que leur idylle est éphémère, comme la chaleur de l'été, comme l'enfance innocente du petit Henry qui va découvrir les chagrins des grandes personnes et les douleurs de la vie.

Car, au delà d'une belle romance, c'est cela que le film raconte; la fin de l'enfance, symbolisée brillamment par l'achèvement des vacances d'été et le retour à l'école. Cette thématique est chère au réalisateur. On ne peut oublier son excellent traitement des grossesses adolescentes dans Juno. Dans Last days of summer, le jeune Henry, propulsé malgré lui au rang d'homme de la maison, apprend à se conduire comme un grand, à garder un secret, à laisser sa mère vivre sa vie de femme, et finalement à tomber amoureux à son tour.

Jason Reitman parvient a enchanter son spectateur grâce à une oeuvre subtile, riche en émotions. Filmer de façon convaincante les sentiments et les émotions humaines sans tomber dans le mièvre ou le kitch est difficile. Pari gagné pour le réalisateur.

 

 

9 avril 2014

Victor Young Perez - Jacques Ouaniche

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Boxer pour survivre

Film inspiré de la vie de Victor Young Perez (de son vrai nom Victor Younki) boxeur juif arabe. De l'enfance insouciante à Tunis, aux premiers succès, en passant par l'étourdissante vie parisienne avant de s'achever dans l'enfer de la barbarie nazie.

 

Cette première réalisation de Jacques Ouaniche tente de narrer (sans pour autant prétendre être exhaustive) le parcours d'une figure du sport finalement peu connue aujourd'hui. Victor Young Perez, juif franco-tunisien, a boxé dans les années 30 avant d'être arrêté et déporté à Auschwitz. C'est dans cet enfer gris qu'il sera contraint de disputer son dernier combat, perdu d'avance, contre un allemand plus grand, plus fort et en bonne santé. Pourtant Perez n'abandonne pas et boxe jusqu'au bout. Ce combat est l'occasion pour le protagoniste de se remémorer sa vie passée.

La Tunisie, ensoleillée, est presque idéalisée par le réalisateur. Décors idylliques représentants la plage ou les ruelles de Tunis, scènes souriantes et personnages attachants. Déclaration d'amour emprunte de nostalgie, cette première partie du film révèle quelques maladresses. Plans si académiques qu'ils en deviennent caricaturaux, musique parfois hors de propos.

La vie parisienne des années folles, les victoires faciles, l'argent, le luxe, tels sont les éléments de la deuxième partie du film. Même si les scènes de combat de boxe sont très réussies, l'ensemble est un peu lent et manque singulièrement de corps. Certains dialogues auraient dus être retravaillés pour plus de réalisme.

La dernière partie du film est de loin la plus réussie. Elle aurait mérité une place plus importante dans l'ensemble au détriment des années fastes finalement peu instructives. L'évocation de la Nuit de Cristal à Berlin est poignante mais un peu trop succincte.

Le dernier combat de Young Perez, exigé par les allemands, est d'un réalisme bouleversant. Le travail de l'image est sensiblement (peut-être trop) différent du reste du film. La palette de couleurs est radicalement opposée, ce qui souligne l'atmosphère glaciale et sordide du camp.

La vie de Victor Young Perez est un sujet ambitieux pour une première production. Jacques Ouaniche a tenté de relever le défi. Même si il n'a pas échoué (les acteurs sont plutôt bons, l'ensemble est cohérent) il subsiste de nombreux défauts. La construction du film est trop visible, presque mathématique, ce qui nuit à la spontanéité de l'oeuvre. Bien que l'émotion soit au rendez-vous, il manque le je-ne-sais-quoi qui insuffle au spectateur le sentiment de révolte et de haine face à l'immonde.

Un autre biopic dans quelques années?

 

 

6 avril 2014

Her - Spike Jonze

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Peut-on tomber amoureux de son ordinateur?

Dans un futur proche, Théodore vit douloureusement son divorce. Pour tromper l'ennui et s'évader, il acquiert un OS, système informatique intuitif qui lui donne vite l'illusion de dialoguer avec une véritable jeune femme. C'est ainsi que commence son histoire avec Samantha. Certes, elle n'est pas réelle mais elle est si proche de lui et le comprend si bien...

Her s'attaque à un thème vu et revu au cinéma; l'émergence d'une intelligence artificielle capable de faire jeu égal avec le genre humain. Mais, alors que le plus souvent, les réalisateurs choisissent un traitement sombre dans un monde apocalyptique, Spike Jonze adopte un point de vue plus subtil. Ici, pas de constat alarmiste ou de conflits violents entre les hommes et les machines. Non, seulement un monde assez similaire au notre, où les individus sont plus seuls que jamais. C'est dans ce contexte que l'on découvre le personnage de Théodore. Bien que pourvu de toutes les nouvelles technologies et légèrement accro aux jeux vidéos, Théodore détonne dans ce paysage futuriste. Avec son allure délicieusement rétro, il rédige des lettres manuscrites pour les amoureux en mal d'inspiration et affectionne les livres imprimés sur papier.

C'est un peu par hasard qu'il débute une relation avec la virtuelle Samantha. D'abord pour vaincre la solitude avant de s'attacher véritablement à cette voix désincarnée. Peut-on aimer un être numérique? Et elle, ressent-elle réellement quelque chose? La frontière entre virtuel et réalité est floue. D'autant plus que dans ce monde, tous semblent avoir intégré cette conception des choses. Chacun est ami avec son ordinateur et il est aisé d'intégrer Samantha aux sorties entres amis "réels".

Tout au long du film les questions se bousculent dans la tête du spectateur; cet univers est-il idéal ou terrifiant? Sommes-nous amenés à perdre toutes relations sociales au profit de contacts virtuels? Et finalement, ne peut-on pas aimer quelqu'un (ou quelque chose) différent de nous? Le réalisateur ne prétend pas avoir la réponse à ces interrogations. Il se contente de nous livrer une fable délicate, portée par une musique douce et raffinée magistralement orchestrée par les géniaux Arcade Fire. 

Her est filmé comme une aquarelle aux tons pastels, les plans panoramiques de la ville tentaculaire sont envoûtants. Tout à tour, on découvre les nuits éclairées par les néons colorés ou l'aube embrumée. Là est la réussite majeure du film.

Malgré un scénario assez conventionnel et légèrement prévisible, Her se distingue par un ton original (du moins dans le traitement de son sujet) et une narration toute en douceur. Une jolie surprise.

 

 

 

 

 

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